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François Hollande : Espoir mitigé pour l’Afrique

 

 

Dix sept ans que les Socialistes attendaient d’être aux affaires en France. Et bien, cette fois-ci, ils y sont. Dimanche dernier, François Hollande a battu le président sortant Nicolas Sarkozy lors du deuxième tour des élections présidentielles françaises devenant ainsi le deuxième président socialiste à accéder au pouvoir en France au cours de la cinquième République après François Mitterrand élu en 1981 et réélu en 1988. C’est donc le Parti Socialiste (PS) qui dirigera la grande métropole française durant les cinq prochaines années. De la campagne électorale jusqu’à l’élection de M. Hollande, les gouvernements, les milieux intellectuels et les peuples africains ont suivi avec attention le déroulement de la présidentielle française. C’est ce qui a permis aux uns et aux autres d’émettre un avis sur ce scrutin. Pour certains, l’arrivée de François Hollande à l’Elysée signifie le renversement des régimes dictatoriaux africains et l’amélioration des conditions de vie des populations africaines. Mais attention à un optimisme trop précoce. Car l’histoire des relations entre la France et l’Afrique nous a appris ceci : que ce soit avec la Droite ou la Gauche, c’est blanc bonnet- bonnet blanc.

Nicolas Sarkozy voulait encore passer le quinquennat 2012-2017 à l’Elysée. Ce ne sera malheureusement pas le cas pour ce fils d’immigrés hongrois. Et pour cause, ses compatriotes en ont décidé autrement. Même si 48,3% d’entre eux ont choisi de lui renouveler leur confiance, 51,7% lui ont tourné le dos. Ils ont choisi de le mettre dehors,  de le bouter hors des somptueuses bâtisses de l’Elysée et de lui donner une retraite bien prématurée. Ils lui ont préféré François Hollande, le candidat du Parti Socialiste. Ce dernier devient ainsi le septième président de la Ve République et le second de Gauche, après François Mitterrand, élu en 1981 et en 1988 avec respectivement 51,76 % face à Valéry Giscard d’Estaing et 54,01 % face à Jacques Chirac. Cela faisait vingt-quatre ans que la Gauche (dans l’opposition depuis dix ans) n’avait pas remporté un scrutin présidentiel.

Un parcours harassant pour Hollande

Les débuts ne furent pourtant pas faciles pour le nouveau président élu. Membre influent du PS français depuis des années, il n’était accrédité que de 3% des suffrages par les sondages à la veille des primaires socialistes de l’année dernière. Chose tout à fait normal dans la mesure où c’est Dominique Strauss Kahn qui était le grand favori pour affronter Nicolas Sarkozy.

Mais très vite, les déboires américains de l’ancien patron du Fonds Monétaire International (FMI) vont ouvrir la voie à François Hollande qui va rapidement se positionner face à Martine Aubry et remporter les primaires organisées par son parti. Avec son slogan « Le changement, c’est maintenant », il a misé sur l’impopularité du président sortant. C’est ce qui lui permis de monter dans les sondages et d’arriver en tête lors du premier tour de la présidentielle le 22 avril dernier avec 28,63%, devant Nicolas Sarkozy qui a recueilli 27,18 %.

Dès lors, l’espoir était permis pour l’ancien compagnon de Ségolène Royal. L’espoir était d’autant plus permis qu’aucun des candidats éliminés n’a ouvertement appelé à voter pour le président sortant. À l’issue du premier tour, Marine Le Pen du Front National (FN) était arrivée troisième avec 17,90 %, devant le candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon (11,10 %) et le centriste François Bayrou (9,13 %). Ce dernier avait indiqué qu’il voterait pour Hollande à titre personnel sans toutefois donner de consigne de vote, Jean-Luc Mélenchon et les autres candidats de gauche avaient appelé à faire battre Nicolas Sarkozy. Quant à Marine Le Pen sur qui misait Sarkozy, elle a indiqué qu’elle voterait blanc, sans donner de consigne de vote. Ce qui était de nature à avantager le candidat socialiste qui a d’ailleurs réussi à tenir tête au président sortant lors du débat d’entre-deux tours. Résultat logique : il a été réélu. Nicolas Sarkozy qui avait promis jusqu’à la dernière minute une « surprise » et une « victoire sur le fil », n’a pas réussi son pari. Comme l’essentiel des dirigeants européens qui ont subi la crise, il quitte lui aussi le pouvoir à l’issue de son premier mandat. Il paye surtout un antisarkozysme qui l’a poursuivi le long des cinq ans qu’il a passés à la tête de la France.

Hollande suscite l’espoir sur le continent africain

L’élection présidentielle française n’a autant suscité d’intérêt nulle part dans le monde qu’en Afrique et  plus particulièrement en Afrique francophone. A croire que le destin des Africains parlant la langue de Molière était étroitement lié à ce scrutin qui, pourtant, se déroulait à des milliers de kilomètres de leur continent. De Lomé à Cotonou, d’Abidjan à Conakry, de Ouagadougou à Bamako en passant par Niamey, de Dakar à Nouakchott, les discussions ne tournaient qu’autour de ça. Idem du côté de l’Afrique centrale où les medias de N’Djamena, Douala, Bangui, Libreville, Kinshasa et Brazzaville y consacraient une partie importante de leurs pages. « Les Camerounais se sont cramponnés à leurs postes téléviseurs au cours du débat d’entre deux tours de mercredi. Durant les trois heures qu’a duré ce face à face entre Sarkozy et Hollande, il n’y avait presque plus personne dans les rues de Douala », témoigne un Camerounais dans l’émission « Appel sur l’actualité » de Radio France Internationale.

Des discussions tournant autour de ce scrutin, il ressort que le cœur des Africains bat beaucoup plus pour François Hollande que Nicolas Sarkozy. C’est justement la raison pour laquelle la défaite de ce dernier a donné lieu à des manifestations de joie dans certaines capitales.

« C’est bien fait pour Sarkozy. Il ne mérite pas de rester encore cinq ans parce que sa politique de l’immigration n’avantage guère les Africains », affirme un Etudiant à Lomé qui ajoute que tant qu’il sera au pouvoir, les Africains auront de plus en plus du mal à obtenir des visas pour la France.

Pour Jean, un cadre de l’administration camerounaise, les français ont bien fait de ne pas renouveler leur confiance à Sarkozy parce que ce dernier méprise les Africains. « Juste après son élection en 2007, il est venu à Dakar sur notre continent et n’a pas hésité à nous insulter en affirmant que nous les Africains, nous ne sommes pas encore rentrés dans l’histoire. On ne peut que le détester », dit-il.

Par contre, l’arrivée de François Hollande à l’Elysée réjouit plus d’un. C’est le cas de Christine, étudiante en fin de cycle à Dakar qui a estimé sur RFI que le nouveau président français fera beaucoup mieux pour les Africains. « Dans son programme, il a fait beaucoup de clin d’œil à l’Afrique. Je crois en lui. Même s’il ne fait pas beaucoup, il fera quand même mieux pour nous que Sarkozy », pensent-elles.

Les Africains ont peut-être des raisons d’être optimistes. Le débat d’avant deuxième tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy a permis de percevoir les contours prochains de la politique de l’Elysée vis à vis des pays africains. Certes, le nouveau président français a dit vouloir réduire l’immigration économique qui concerne 30.000 entrées en France chaque année, à cause de la crise qui sévit dans son pays. Mais, d’un autre côté, il a redonné un peu d’espoir aux Africains, en se montrant favorable à l’accueil des étudiants étrangers qui favorisent, selon lui, le rayonnement de la France. D’ailleurs, dans son programme, il a promis de supprimer la circulaire du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qui a rendu difficile le travail des étudiants étrangers à la fin de leurs études.

Toujours dans sa politique africaine, François Hollande ne compte pas en rester là. Les demandeurs d’asile sont également concernés. Il s’est engagé à réduire les délais d’attente de l’examen des dossiers, tout comme sur le regroupement familial, malgré les critères de la langue, du logement et de revenu qui seront demandés. Bref, il cherche à être plus humain, plus compréhensif avec les Africains. Mais, la politique africaine de la France changera-t-elle de manière aussi significative que le pensent certains Africains. Pas si sûr.

François Hollande, la France d’abord, l’Afrique après

Au cours de la campagne électorale, François Hollande, parlant de la Françafrique, a promis, s’il est élu à l’Elysée, d’en finir avec ce qu’il appelle « les rapports de domination, d’influence et d’affairisme pour les amis du pouvoir ». D’après lui, la volonté de Nicolas Sarkozy de gérer lui-même la relation avec l’Afrique et la persistance d’un certain nombre d’intermédiaires confirment que les réseaux demeurent. Ce qu’il déplore en promettant de retirer les troupes françaises de la Côte d’Ivoire car leur présence n’y est plus nécessaire. Mais, la question est de savoir si le nouveau patron de l’Hexagone pourra réussir là où Chirac, Sarkozy et même Mitterrand (un socialiste comme lui) ont échoué.

L’on se souvient encore de la célèbre phrase du défunt président gabonais Omar Bongo Ondimba. Elle disait ceci : « Le Gabon sans la France, c’est une voiture sans chauffeur, la France sans le Gabon, c’est une voiture sans carburant ». Ce qui prouve à plus d’un titre que les relations entre la France et l’Afrique sont avant tout une question d’intérêts, un système mis en place, selon certains, pour permettre à la France de garder la mainmise sur les richesses pétrolières ou minières de son ancien pré carré. Aujourd’hui ce qui intéresse la France au Niger, ce n’est pas la démocratie, mais c’est l’uranium qui est tout l’enjeu de la relation entre Paris et Niamey. La Côte d’Ivoire qui compte aujourd’hui plus de 13.000 ressortissants français, abrite de très importants intérêts financiers et militaires de la France. Pays producteur de cacao, de bois, et autres matières premières, elle est l’un des centres économiques d’Afrique les plus convoités par les entreprises françaises telles Bolloré, Bouygues, Orange, France Telecom. Il en est de même du Congo-Brazzaville ou du Gabon, des pays producteurs de pétrole qui sont des partenaires sensibles que Paris souhaite à tout prix préserver pour ses intérêts pétroliers dans la région. Ces exemples prouvent à suffisance que la Françafrique, c’est d’abord les intérêts français.

Les cris de joie que poussent certains Africains à la suite de l’élection de François Hollande ne changeront rien en Afrique si les Africains eux-mêmes ne s’investissent pas pour leur développement. Sarkozy a promis ne plus cautionner des élections frauduleuses sur le continent noir. Mais, sous son règne, Paul Biya, Denis Sassou Nguesso ou encore Ali Ben Bongo ont été élus ou réélus frauduleusement. La France de François Hollande, tout comme la France de Nicolas Sarkozy, c’est la monnaie d’un même et unique pièce, avec la nuance que l’idéologie socialiste porte espoir, même mitigé que les réseaux capitalistes qui viennent de céder, de force.

Rodolph TOMEGAH

 

 

 

 

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