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LOTERIE : Le bon ménage du Gain et de la perte


Elle fait certaines fois la joie de ceux qui s’y consacrent. Elle peut leur permettre de gagner un  peu d’argent ou même toute une fortune. Tout dépend non seulement de la somme qu’on a choisi de miser, mais aussi et surtout du facteur « chance ». Si elle est avec vous, vous revenez avec un joli pactole. Au cas contraire, vous perdez tout ce que vous avez mis en jeu. Pire, vous misez et vous misez encore sans rien gagner. Il s’agit de la loterie. Apparu au Togo depuis des décennies, ce jeu de hasard, officiellement légalisé, permet bien évidemment à l’Etat de se faire de l’argent. Mais, c’est aussi sans compter sur les désastres sociaux qu’elle engendre. Appauvrissement, fuite de responsabilité, dépendance accrue au jeu, les conséquences sont nombreuses. Immersion dans  l’univers de la loterie, ce jeu de hasard qui fait plus de malheureux que d’heureux.

Claude vit à Adidogomé. Fonctionnaire d’Etat à la retraite, cet homme d’environ 60 ans se consacre à la loterie depuis près de 40 ans. Il en est même devenu le spécialiste et l’expérimenté au point où la plupart des jeunes qui s’adonnent eux aussi à ce jeu ont souvent recours à ces conseils avant de miser telle ou telle somme sur tels ou tels numéros.

« Cela fait des années que je joue à la loterie. J’ai même connu ce jeu à ses débuts. J’ai essayé une première fois et j’ai gagné. Depuis là, je ne lâche plus. Je joue, je joue et je joue encore », confie ce sexagénaire.

« Si on doit compter les plus grands joueurs de loterie de ce pays, je crois que j’en ferai partie. C’est pour cette raison que les jeunes ont souvent recours à mes conseils avant de miser. Je suis si habitué à jouer que mes combinaisons peuvent parfois s’avérer payants », ajoute-t-il fièrement. D’ailleurs, chaque matin, il s’installe sur sa terrasse avec des tas de papiers et un stylo. Des papiers sur lesquels sont alignés de longues listes de chiffres à donner le tournis.

« Ce sont des combinaisons de chiffres que j’ai l’habitude d’aligner et que je conseille à ceux qui viennent me consulter avant de jouer », affirme Claude. « Je suis si habitué à ce jeu que je sais à peu près sur quels chiffres miser pour gagner. Des fois, les combinaisons des années précédentes reviennent. Donc il faut être malin pour choisir le chiffre qu’il faut », explique-t-il.

Mais, contraste. Claude, l’un des  plus grands joueurs de loterie comme il aime le clamer sur tous les toits, l’expérimenté, le spécialiste, celui que les gens viennent consulter, a plutôt une existence très peu enviable. Ancien fonctionnaire admis à la retraite depuis près de cinq ans, il vit toujours en location. Ni son ancien statut d’agent de l’Etat, ni ses années passées à jouer à la loterie, ne lui ont permis de s’acheter un terrain et de construire sa propre maison. Et c’est difficilement qu’il arrive à joindre les deux bouts et à subvenir aux besoins de sa famille. En somme, chez lui, c’est la précarité ambiante et au quotidien.

De nombreux Togolais qui s’adonnent aux jeux de hasard et plus précisément à la loterie sont à l’image de Claude. Leur rêve, en jouant à ce jeu, est de devenir millionnaires. Mais ce rêve ne se réalise presque jamais. Au contraire, la loterie les appauvrit plus qu’elle ne leur rapporte de l’argent. C’est normal. La Loterie Nationale Togolaise (LONATO), la société d’Etat par qui ce jeu a vu le jour au Togo, n’a pas été créée pour perdre de l’argent mais pour en rapporter à l’Etat. Les calculs sont faits, les machines sont réglées de manière à ne pas permettre aux potentiels joueurs de gagner, du moins comme ils le souhaiteraient. Leur chance est probablement d’une seule sur mille et c’est ce qu’ils ignorent.

Dans ces conditions, il est difficile de devenir riche en jouant à la loterie. Le peu d’argent qu’on gagne en jouant aujourd’hui, on le remet dans le jeu le lendemain dans le but de gagner encore plus. Au finish, on perd tout et le cycle recommence.

Loterie : les raisons qui poussent à s’y adonner

Jusque dans un passé récent, jouer à la loterie n’intéressait pas en tant que tel les jeunes. Ce jeu était plutôt l’apanage de personnes âgées ou mieux encore de retraités qui, parfois, en font leur distraction favorite ou le joue pour tuer le temps. Mais ces dernières années, la jeunesse s’y adonne de plus en plus. C’est du moins l’avis d’un gérant d’une des agences installées par la LONATO à Adidogomé.

« La plupart de ceux qui viennent jouer dans mon agence sont des jeunes. Des conducteurs de taxis-motos, de petits commerçants et même des élèves et étudiants parfois », indique-t-il.

De multiples raisons peuvent pousser les gens à se consacrer à ce jeu. Si certaines personnes le font juste par curiosité ou pour dépenser leur argent à quelque chose, si d’autres s’y adonnent juste pour se distraire ou pour la stimulation ou l’excitation que procure le jeu ou encore par curiosité, au Togo par contre, c’est le gain facile qui pousse la plupart des gens, surtout les jeunes, à se consacrer à la loterie.

« Il y a par exemple des conducteurs de taxis-motos qui, au lieu d’aller travailler, passent leur temps à faire autre chose ou à dormir chez eux. Après, ils cherchent un peu d’argent pour jouer à la loterie parce qu’ils comptent y gagner de l’argent pour aller faire les comptes aux propriétaires de leurs motos », fait remarquer un spécialiste du domaine. En somme, une façon de perdurer dans la paresse. « Le problème est que les ‘’zémidjan’ qui se livrent à cela sortent la plupart du temps perdant. On leur retire leurs motos et ils se retrouvent au chômage. On ne peut pas compter sur la loterie qui est un jeu de hasard pour certaines choses », ajoute-t-il.

D’autres personnes encore jouent à la loterie pour gagner de l’argent et ainsi sortir des difficultés financières qui les accablent. Mais, malheureusement, l’expérience a montré que cela les enfonce plutôt.

Par ailleurs, selon les dires des adeptes de la loterie, toute personne qui s’adonne à ce jeu traverse nécessairement trois phases. Il y a d’abord la phase dite gagnante qui correspond aux premiers pas du joueur dans l’univers du jeu. A ce stade, le jeu est encore un divertissement ou une forme d’amusement. On prend énormément de plaisir à gagner et on se dit chanceux. La perte est donc perçue comme le résultat de la malchance.

Puis vient la phase perdante les premières pertes poussent le joueur à chercher  immédiatement à récupérer l’argent perdu. « A ce niveau, ce qui arrive malheureusement et dans la plupart des cas est que plus on joue pour récupérer l’argent perdu, plus on perd. C’est inévitable », indique Claude, le retraité susmentionné.

La dépendance liée à la loterie ou « loto dépendance »

La dépendance se caractérise par un état de besoin impérieux de faire une activité ou de consommer une substance et par la nécessité d’en augmenter la fréquence ou la dose afin d’en maintenir l’effet et d’éviter l’état de manque. Ce phénomène n’est pas seulement lié aux produits tels que les stupéfiants, l’alcool ou le tabac. La dépendance peut également être liée au jeu. Parmi ceux qui s’adonnent aux jeux de hasard et d’argent, il y en a qui développent une pathologie. C’est ce qu’on appelle le jeu pathologique. Pour eux, le jeu devient une maladie ou une dépendance se traduisant par une impulsion incontrôlable à miser de l’argent. On mise, on mise et on mise encore même si on perd à répétition. Et quand on n’a plus d’argent pour jouer, on peut aller en emprunter sans se soucier du fait que c’est à un jeu de hasard qu’on joue et qu’il y a de forte probabilité qu’on perde. Bref, on adopte un comportement donné tout en ayant conscience de ses effets néfastes. Mais, en dépit de toutes les conséquences négatives du jeu, on continue à jouer en recherchant une satisfaction immédiate.

« Il est vrai que je suis un agent de la LONATO. Mais des fois, il faut avouer que l’envie me prend de dire à certaines personnes qui viennent jouer dans mon agence d’arrêter. Ils sont devenus si dépendants du jeu que plus rien ne peut les arrêter. Il y en a qui ne font que perdre mais qui continuent toujours de jouer. C’est déplorable. Je me suis rendu compte que même si je leur demande d’arrêter, ils ne le pourront pas », avoue le chef d’agence cité plus haut. Et d’ajouter qu’il n’est pas rare de voir des femmes débarquer dans son agence pour crier sur leurs maris et se plaindre qu’ils jouent au loto alors qu’ils n’ont pas donner à manger aux  enfants à la maison.

« Je me rappelle qu’une fois, il y a eu une bagarre devant mon agence entre un homme et sa femme. C’était au cours de la dernière rentrée scolaire.  La femme est venue crier sur son mari parce que celui-ci a dit qu’il n’a pas d’argent pour payer les fournitures aux enfants alors qu’il en a trouvé pour jouer au loto. Ce fut rigolo mais c’est un véritable problème qui, si on y prend garde, risque de prendre une allure beaucoup plus inquiétante ».

Aucune étude n’a encore été faite au Togo sur les conséquences que peut engendrer le jeu pathologique sur les joueurs. Mais, des recherches réalisées dans les pays développés ont révélé que diverses répercussions négatives du jeu peuvent être retrouvées chez les joueurs pathologiques. Parmi celles-ci, il y a les actes illégaux pour se procurer de l’argent ; les problèmes avec la justice ; la privation de soins médicaux ou d’achats nécessaires ; les problèmes avec l’employeur à cause du jeu ; la perte d’emploi à cause du jeu ; des problèmes avec les banques. D’autres conséquences sont le surendettement ; la saisie sur salaire ; les problèmes relationnels ou encore les divorces liés à l’abandon du foyer par le conjoint joueur.

Une étude sur les conséquences de la « loto dépendance » n’est pas surement pas la préoccupation première des autorités togolaises. Mais il serait bien que le gouvernement togolais, à l’instar de ce fait d’autres pays, prenne un certain nombre de dispositions pour canaliser ce jeu et éviter ainsi qu’il créé des problèmes sociaux ou devienne un danger pour les joueurs. L’Etat doit prendre ses responsabilités étant donné que quelque part, c’est à cause de son incapacité à subvenir aux besoins des Togolais que ceux-ci sont devenus accrocs de la loterie.


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